lundi 1 juin 2009

La ligne de fracture française




Une petite révolution silencieuse est en train de se mettre en place dans les milieux politiques extrêmes, en France, que ce soit à droite ou à gauche. Et même, on peut repérer un début de contagion aux franges classiques & centrales du spectre politique.

Cela fait bien longtemps que la classification des partis en droite & gauche n'a plus lieu d'être. Bien sûr il reste quelques réflexes dont il est encore difficile à se débarrasser, comme de tenter toujours de mettre un mouvement, une idée, une mesure dans l'un ou l'autre côté, et déterminer ensuite le degré de fermeté, pour établir si la mesure est plutôt d'extrême(-droite/-gauche) ou de centre(droit/-gauche).

Désormais, tous les partis peuvent gouverner en prenant des mesures qui ne sont pas de leur bord. C'est le cas avec la droite, qui est au pouvoir depuis 2002, qui a pris de nombreuses décisions pouvant être considérées de gauche. D'ailleurs, nombre de gens considèrent Jacques Chirac comme un homme foncièrement de gauche — comme François Mitterrand était considéré aussi parfois comme un homme de droite. Cela a continué avec Nicolas Sarkozy qui, avec sa politique d'ouverture et son « progressisme », a brouillé définitivement le jeu — faisant perdre tous ses moyens au principal parti d'opposition, le PS. Alors, finalement, quel pourrait-être le nouveau critère de distinction politique en France ?

La réponse nous vient des extrêmes. Ceux-ci se focalisent finalement sur un seul fait : La situation au Proche-Orient, et particulièrement en Palestine-Israël. Par héritage révolutionnaire des années 70-80, toute l'extrême-gauche ou à peu près soutien la cause palestinienne. De ce fait, Tout ce qui s'approche d'un juif est leur ennemi. L'antisémitisme dans cette frange est latent et ne se dévoile pas dans l'unique but de ne pas tomber sous le coup de la loi. Alors ces gens se sont trouvé un dérivatif : l'anti-sionisme. Ce courant est apparu au cours de l'actualité la plus récente, et son origine ne remonte pas beaucoup plus loin que trois ans. Ainsi, toutes les manifestations soi-disant pour la paix au Proche-Orient ont été émaillées de slogans antisémites, sous couvert de condamner la politique d'Israël. La vérité c'est que, dans cette affaire, l'extrême gauche est épaulée — ou n'est-ce pas le contraire ? — par toute la population immigrée d'origine musulmane. On sais depuis longtemps la rivalité qui oppose les deux religions juive & musulmane.

L'extrême-droite est un peu plus partagée : d'une côté, elle est héritière d'un antisémitisme « historique », qui lui fait rejeter en même temps les francs-maçons, la grande finance internationale et les juifs qui seraient aux commandes — avec les protestants parfois — de ces deux ensembles. Mais cette opinion est complété par le même nouvel antisémitisme qui habite l'extrême gauche : une partie de la population immigrée d'origine arabo-musulmane n'a en effet pas été atteinte par le discours officiel qui faisait de l'extrême-droite, & en particulier du FN, son ennemi, et ne retenait que les sorties de son président contre les juifs. Alain Soral ou Dieudonné M'bala M'bala sont les deux exemples criant de cette nouvelle extrême droit qui n'a finalement de droite que le nom. Mais, d'une manière générale, on peu trouver des racines plus anciennes — Le GUD a eu comme slogan, il y a déjà des dizaines d'années : « A Paris comme à Gaza, Intifada ».

Finalement, qui soutient les juifs ? A l'extrême-gauche, peu de monde : seul le souvenir de l'éducation républicaine et de la sacro-sainte immunité juive — « on ne doit pas toucher à la Shoah & aux chambres à gaz » — retient un petit nombre de cracher sur ces gens. C'est la gauche traditionnelle & intellectuelle plus classique qui soutient la cause Israélienne et juive. Et pour cause, de nombreux intellectuels de confession juive sont assez médiatiquement exposés pour servir de relai par leurs discours. Bernard-Henri Lévy est l'un des premiers d'entre eux.

Le phénomène le plus intéressant se situe à droite. Face à Jean-Marie Le Pen et à son FN encore tout-puissant, Philippe de Villier a développé lui aussi une stratégie communautaire, en s'attaquant particulièrement à l'immigration musulmane, ce que justement le FN abandonnait progressivement — leur argument étant que la population immigrée est aussi victime de la politique migratoire. Ce sont donc les prémices d'une confrontation aux allures confessionnelles. Se sont engouffrés dans la brêche villiériste un petit nombre d'intellectuels juifs, d'une opinion assez conservatrice qui ont donc repris ce discours hostile à l'immigration, en le mâtinant d'un rejet arabe dû à leur religion. Eric Zemmour & Elisabeth Lévy en sont deux bons exemples.

Ainsi, la nouvelle démarcation politique française dans les extrêmes n'est plus tant politique que religieuse & est conditionnée, d'une manière paradoxale, par la situation internationale & la politique étrangère de la France. Les acteurs de cette nouvelle scène politique ne sont finalement plus les français tels que nous les voyons représentés classiquement : le quarantenaire en marcel, portant béret, litron de vin & baguette — les français de souche, en somme. Ces acteurs sont les descendants ou les membres de la population immigrée qui s'est installée en France depuis 40 ou 50 ans : maghrébins, africains, pieds noirs, harkis, bref, les régions de l'ancien empire colonial.


Ce phénomène est très mauvais pour la France. On voit des bandes de jeunes rôder pour en découdre entre « sales feujs » & « sales rebeux » — à ce titre, on constate la vision éculée de certain sur les crimes racistes & antisémites : en voir le fait principal de brutes néonazis & avinées ne correspond plus du tout à la nouvelle carte communautaire française : plus besoin des « fachos » pour agresser les juifs et les arabes, puisqu'ils se débrouillent très bien entre eux.

Ensuite, on tombe dans une surenchère communautaire entre les différentes associations de défense des minorités. D'un côté on défend les juifs et le souvenir de la Shoah, de l'autre les arabes et les discriminations sur la couleur de la peau. Paralysé entre ces deux camps, le français de souche est pris entre deux feux & doit choisir, entre critiquer la population immigrée arabo-musulmane qui lui ferait subir des violences dans son quartier, et la machine financière juive qui lui ferait perdre son emploi.

C'est cela, la nouvelle ligne de fracture française. C'est cela qu'il faut éviter à tout pris. L'importation du conflit israélo-palestinien en France est l'une des pires choses qui soit arrivée à ce pays, et nos gouvernants devraient tout faire pour l'éviter. Làs, ils sont eux-même engagés dans ce conflit, puisque défenseurs de leur électorat respectif. J'en viens donc à la conclusion qu'il ne se trouve guère de solution à ce problème, autre qu'un arbitre qui resterait impartial & ferme envers chaque camp. La rectitude est ici primordiale, & des mesures strictes sont les seuls espoirs de sortir de l'impasse. Cet arbitre, pour se trouver au dessus de cette lutte, ne peut-être élu — car alors, l'intérêt de la France serait subordonnée à l'intérêt des électeurs. Cet arbitre en un mot, c'est un roy.

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